Quoi de mieux en cette période de fêtes de fin d’année que de faire un petit tour à la montagne?
Ci-dessous un résumé de l’aventure vécue et narrée par Damien lors de sa participation à l’Ultra-trail du Mont-Blanc en août dernier:
9h23, La Flégère, Dimanche 28 aout 2016.
Voilà c’est fait…dans une heure je franchirai la ligne d’arrivée de l’Ultra Trail du Mont Blanc, c’est maintenant certain. Cette ligne j’en rêve depuis quelques années. Elle était avec moi au quotidien durant les 10 mois de préparation. Elle m’a attiré pendant 40h00 comme un aimant.
Je descends mécaniquement vers Chamonix, l’émotion a pris possession de mon corps…je la laisse faire, c’est tellement bon…
17h30, Chamonix, Vendredi 26 août 2016.

Je suis prêt. A 30’ du départ, je me sens parfaitement serein. Je n’ai pas de doute, je suis content de ma préparation qui m’a fait passer par Saint Cyr sur Morin (Ultra Brie des Morins-67km), Les Hauts Rivières (L’ardenne Méga Trail – 65 km), La Plagne (la 6000D – 65 km) pour finir ces dernières semaines sur les pentes du Mont-Joly à St Gervais. Ces courses se sont bien passées, je pense m’être amélioré dans les parties roulantes et avoir gagné en endurance sur la répétition de montées-descentes.
Stéphanie et les filles sont là, prêtes à m’assister pendant la course, les deux nuits suivantes vont être courtes pour elles aussi. Ma mère a fait le déplacement avec Gérard et les petits-neveux corses.
17h55, Vangelis retenti. Même si je connais cette musique par cœur, c’est toujours un moment particulier, des coureurs autours de moi, écrasent une larme. Je veux y aller.
18h00, les coureurs sont lâchés enfin pour être plus précis, les marcheurs sont lâchés. La foule est immense et dense dans Chamonix, j’avance en marchant comme porté par les gens qui nous acclament, je n’arrive pas à voir la petite famille. Je suis ce flot humain pendant 3 kilomètres jusqu’à la sortie de la ville où nous pouvons commencer à courir.
20h55, St Gervais, Vendredi 26 août 2016. 21 km, 900 m+ / 900 m-
Premier gros ravitaillement, il y a toujours beaucoup de monde. Je prends une soupe de vermicelle, quelques gâteaux salés. Je discute un peu avec les filles pendant que je commence à boire ma soupe. Cette première montée s’est bien passé, je l’avais reconnue pas de surprise donc. Je suis descendu en faisant attention de ne pas trop m’engager pour m’épargner musculairement.

Je sors du ravitaillement tout en continuant à boire ma soupe, un chek aux petits-neveux en sortant du village et je m’enfonce dans les sous-bois pour me rendre aux Contamines. J’ai reconnu deux fois cette partie, elle est plutôt roulante et je compte bien courir pour avancer le plus possible pendant la nuit avant d’affronter la chaleur annoncée pour le lendemain.
Mais là, premier couac…le corps ne répond pas. J’ai les jambes lourdes, j’ai l’impression d’avoir une boule de pétanque dans chaque mollet. Je rage. Pas là, pas si tôt, 9 mois de prépa et être incapable de courir après seulement 25 km, la honte ! Je rumine, je peste. S’être autant investit, demander à la famille de nous suivre et être lâché par son corps comme ça, je suis en colère.
Le parcours est très roulant jusqu’à Notre Dame de la Gorge, mais rien n’y fait je n’avance pas. Le moral est au plus bas, tellement bas que j’ai failli rater les filles qui m’attendent à Notre-Dame. Je me plains…elles me remettent sur le chemin, face à trois filles, il faut mieux ne pas insister !
Aux Contamines, Stéphanie est là. Je fais face, en essayant de ne pas trop montrer mon abattement. Elle me prépare mes habits de rechange pour passer la nuit. Finalement, je change de t-shirt seulement pour me mettre au sec et avale quelques patates douces. L’arrêt est un peu plus long que prévu. J’ai presque envie d’arrêter. Mais vu la posture de Stéphanie, je ne tente même pas de négocier. Je sors après 20’ de pause, profite pour discuter avec le restant de la famille à la sortie du ravito.

Je rentre maintenant réellement dans l’UTMB, c’est à partir de ce moment que le parcours rencontre la montagne.
2h57 du matin, Les Chapieux, Samedi 27 août 2016, 50 km, 2911 m+/ 2304 m-, 8h56 de course.
Sans être extraordinaire, le moral va mieux, la longue montée vers le Col du Bonhomme s’est relativement bien passée et la descente vers le ravito des Chapieux est plaisante. Arrivée sous la tente, Anton Kupricka, célèbre coureur américain, est présent pour gérer les frontales des participants qui le souhaitent. Sympa d’être là à 3h du mat même si c’est pour son sponsor.
Je prends de quoi manger. Je m’assois. Je mange tranquillement et regarde autour de moi. La fatigue commence à se faire sentir pour certains, qui se sont endormis sur les tables. Je me recentre sur moi, un scan pour faire le point. Bon ce n’est pas la forme que j’espérai à ce moment-là de la course, mais après tout ça va, pas de grosses douleurs handicapantes. Je ressors un bon quart d’heure après mon entrée. Contrôle du sac par des bénévoles dans l’organisation pour vérifier si j’ai le matériel obligatoire et je marche vers le col de la seigne. C’est une longue partie, la plus longue entre deux ravitos. Je monte tranquillement, mais que j’aurai aimé aller plus vite sur cette partie, mais bon c’est comme ça…j’avance, c’est toujours ça de pris. Le col de la seigne et ses 2500 m sont atteints après 2h de marche. J’entame une nouvelle partie du parcours, ajoutée depuis 2015. Les pyramides Calcaires se révèlent très minérales, beaucoup de pierre, de cailloux et un peu neige, en font certainement la montée la plus technique du parcours. Le jour se lève doucement, nous sommes au-dessus des nuages, c’est splendide.
La descente sur le lac Combal est aussi très technique, des concurrents chutent en roulant sur les pierres mais heureusement sans gravité. Je suis plutôt bien en arrivant au lac. Je mange rapidement et ne m’attarde pas trop, selon mes prévisions je suis à 3h00 de Courmayeur, où je prévois un arrêt plus long. Une soupe et une tarte me font un bon petit déjeuner.

9h12, Courmayeur, Samedi 27 août 2016, 78,8 km, 4520 m+ 4360 m-, 15h55 de course
L’arête du Mont Favre et le col de Chercouit sont passés sans encombre. Le paysage côté italien avec le soleil montant est éblouissant. Une nouvelle fois, les parties roulantes ne se passent pas exactement comme je voudrais mais j’ai l’impression d’avancer plus vite. La descente vers Courmayeur est extrêmement poussiéreuse, je me retrouve au milieu d’un groupe, ça devient désagréable mais c’est déjà un message d’alerte ! La journée va être chaude.
Comme annoncé par l’organisation, le soleil tape déjà fort à 9h00 du matin. J’ai anticipé en mettant dans mon sac de décharge, un double porte bidon. Ça va être très utile !
A Courmayeur, je me pose et mange des pâtes bolognaises et une tarte sucrée en ne sachant pas définir exactement le goût, mais c’est des glucides ça fait l’affaire. En mangeant la fatigue me gagne. Mon assiette finie, je mets la tête entre mes bras et m’endors.
Une douleur au cou me réveille, en ouvrant les yeux, je découvre mon voisin qui me regarde, souriant, « ça fait du bien, hein ? » me dit-il ! Effectivement ça fait du bien, et nous commençons à échanger sur la course, la météo, sur la montée vers le refuge Bertone. Ce sera la seule discussion avec un collègue d’aventure. Mon anglais étant plus qu’approximatif et mon japonais en phase de pré-découverte les échanges sont ardus pendant la course. Mais n’étant pas d’un naturel « bavard », cela ne me gène pas.

Je ressors du centre des sports de Courmayeur, après une bonne heure de pause. Je me suis alourdi d’un litre d’eau supplémentaire, mais rapidement cela devient indispensable. Je ne suis pas encore sorti de la ville, que je m’arrose la tête, la nuque, les jambes. J’ai mis une casquette saharienne pour me protéger. Je vais passer ma journée à faire baisser ma température corporelle. La montée vers le refuge Bertone est terriblement chaude. Cette montée m’avait fait mal en 2011, je m’étais préparé à l’aborder en prenant mon temps, j’arrive toutefois bien atteint au refuge. Je me place un peu à l’ombre en buvant un coca et de l’eau. Je décide de ne pas m’attarder, pour ne pas m’endormir physiquement et mentalement.
La partie entre le refuge de Bertone et Arnuva est roulante avec une vue magnifique, je rentre dans ma routine : boire –marcher – s’arroser – marcher – boire – courir un peu – s’arroser – marcher – boire…
17h41, Grand Col Ferret (2525m), Samedi 27 août 2016, 100,7 km, 6475 m+ 4985 m- , 23h40 de course. Ludovic Pommeret vainqueur de la course est arrivé à 16h00 à Chamonix.
100 km et pratiquement 24h de course. Cela fait la troisième fois que je fais le Col Ferret, c’est une montée régulière, longue et techniquement facile. Il faut s’armer de patience pour atteindre le point culminant de la course. Je l’ai fait dans toutes les conditions, pluie, orage, neige mais cette année avec la chaleur, sans un point d’eau, la montée prend un goût particulier. C’est aride.
Je passe le col rapidement pour redescendre sur la Fouly et Praz de Fort, soit 17,8 km et 1700 m de dénivelé négatif. Il faut gérer. Le tronçon est agréable. Je cours régulièrement et arrive à enchainer sur le plat jusqu’à la Fouly.
J’y retrouve Stéphanie et les Filles. Je fais un passage éclair au ravito pour prendre une soupe et quelques trucs à grignoter et vais m’installer quelques mètres plus loin pour manger avec elles.
Après cette pause bien sympa, je repars vers Champex. Je fais déjà mieux qu’en 2011 où j’avais abandonné à La Fouly. Je suis content. Le moral est revenu (ça fait déjà un moment en fait…qu’il est revenu). La descente continu vers Praz de Fort, petit village suisse plutôt cosy avant d’attaquer l’ascension vers Champex lorsque la nuit commence à tomber. Le tonnerre se fait entendre. Il est dans une autre vallée. Quelques gouttes nous accompagnent jusqu’au ravito, je prends la « roue » d’un petit groupe qui monte à un bon rythme, et me permets même de les doubler avant la pause. J’ai la pèche.
Stéphanie m’attend. Elle a préparé les affaires de rechange et le ravito pour passer la nuit. L’ambiance est particulièrement, c’est l’entame de la deuxième nuit. Certains sont installés pour dormir, d’autres sont remotivés par leurs accompagnateurs, et pour ceux qui ne se demandent pas s’il faut arrêter les yeux hagards, je peux sentir de la sérénité et de la détermination à repartir. C’est mon cas.

Toutefois, je suis bien au ravito et Stéphanie m’indique judicieusement la sortie. Il faut y aller.
6h22, Vallorcine, Dimanche 28 août 2016, 150,9 km, 8922 m+ 8687 m-, 36h21 de course.
Quelle nuit ! Le pied ! L’enchainement de deux montées (La giète et Catogne) sur 27 km avec 1744 m de dénivelé positif me correspond mieux. Je prends un réel plaisir lors de cette deuxième nuit, le temps est clément, j’ai récupéré le mp3 de ma fille et découvre des musiques inconnues. Cela a son charme et ses surprises. La montre tourne vite.
J’arrive à Trient à 3h05 de la nuit, les bénévoles nous accueillent en musique et chantent ou dansent une musique qui correspond à la nationalité des arrivants. Les grecs qui arrivent après moi, on le droit au sirtaki ! C’est toujours sympa. En ressortant du ravito, je suis attiré par l’infirmerie. Erreur ! Je vais perdre un peu de temps ! Je voulais juste un doliprane (pourquoi un doliprane ??), je repars avec un soin des pieds et un strap au muscle péronier. Grrrr…d’autant que le soin au pied m’handicape rapidement. Le strap mal placé me donne une ampoule. Mais je continu toujours en forme vers Catogne pour redescendre sur Vallorcine. Arrivée aux tentes, une petite envie me prend, bien vu les toilettes sèches !
Je mange rapidement quelques truc qui trainent, j’ai vraiment la pèche, je me mets à calculer…Il reste un peu plus de 18 km, avec la montée sèche vers Tête Vents (4 km pour 860 m+)….je l’ai fait en reco, je l’aime bien…après c’est plutôt roulant jusqu’à la flègére…ça doit pouvoir le faire…et descente finale sur Chamonix…j’ai 3h25 devant moi…bon…c’est serré mais si je finissais en moins de 40h ?

Je repars déterminé vers le Col des Montets. Je cours un peu mais doit stopper rapidement. Le strap en dessous du pied devient vraiment insupportable. Je l’enlève et redémarre d’un bon pas. Je monte vite, certainement trop vite, mais je tente le tout pour le tout pour atteindre ce petit objectif. J’arrive au sommet et il me reste 1h29 pour faire 10 km et 1200 de dénivelé négatif. C’est largement jouable…mais…mais…je n’ai plus rien « dans l’sac » ! Vidé !
Les supporters, accompagnateurs, marcheurs commencent à être nombreux, ils nous encouragent, nous félicitent. Toutes les émotions remontent. Je ralentis. Je vais profiter des derniers kilomètres.
10h26, Dimanche 28 août 2016, 170 km- 10000m+ 10000m-, 40h25 de course.
Bravo Damien, du courage, de la force et sûrement la petite famille qui a du être un atout majeur pour réaliser cela….Encore BRAVO.????????
Jean-Pierre RAJCH du cs chaumont et Cvta.
Bravo à toi et merci d’avoir partagé avec nous cette épreuve.